Naïve, la peinture de Liseran ne l'est pas. Elle-même présentant des caractéristiques totalement incompatibles avec le profil de l'artiste naïf : elle a fréquenté une demi-douzaine d'écoles et ateliers d'arts, cotoye presque exclusivement peintres, sculpteurs, stylistes et photographes et son regard acide suit constamment l'évolution de la création contemporaine. Seulement, Liseran se méfie de la Kultur, abhorre les modes, rejette les références et se moque de la technique, pourtant derrière lesquels il est facile de se dissimuler.

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Face à ses petites toiles, elle oublie tout cela. Et même le reste, obligée qu'elle est de "gribouiller" la surface vierge pour trouver l'inspiration. Alors lentement et avec le plus total irrespect pour la perspective et les canons anatomiques, elle commence à planter ses personnages ridicules et touchants dans des lieux oniriques et inédits. C'est peut-être vous, c'est peut-être moi, mais en tout cas, c'est dans son univers à elle. Le monde de Liseran.

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François Julien, VSD, mai 1989

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Paysages étendus ou espaces quotidiens, les décors sont lieux vides-et dépouillés. Dans l'intimité flegmatique des histoires de tous les jours. Liseran accule les êtres à leurs silences. "Je n'aime pas le superflu. Pour qu'une chose soit là il faut qu'il y ait une raison". Les "raisons" de 1'espace, des objets et des gens, sont celles qui refusent à la représentation toute valeur mobile et anecdotique. Liseran extrait, concise les formes et les thèmes à travers une composition claire. Mais sous la limpidité flotte I'inquiétude. Dans un espace clos où les teintes douces d'une texture lisse diffusent une lumière sans origine, Liseran a les rêveries opiniâtres.

(...) Des noeuds profonds des relations de la famille, du couple et des amants. Liseran décrypte le minimum. Peintre de I'abstention, elle nous rapporte les impasses de la solitude et de l'attente. Sous les vêtements stricts, les costumes étriqués, sous la peau des corps ensommeillés et ronds, grésille sourdement la révolte. Mais la révolte est liquide et se cache derrière I'absence. Les hommes et les femmes charnus de Liseran ont l'opacité de ceux qui se tairont toujours. Pourtant les vieilles dames aux pupilles perçantes dardent et possèdent (...).

Isabelle Pellatti, Artension n°18